En évoquant cet épisode de la tempête apaisée, la liturgie de ce jour nous encourage à découvrir nous aussi par la foi, celui qui est présent à l’ordinaire de nos journées si souvent bousculées. Certes sa présence est à ce point discrète qu’il semble dormir ; pourtant lui seul a autorité sur les forces du mal qui nous accablent. Comme le rappelait le pape Benoît XVI lors d’une visite pastorale en Pologne : « Jésus se tait, mais il agit ». Comment en effet celui qui « retient la mer quand elle jaillit du sein de l’abîme », qui la « lange de nuage » comme une mère le ferait pour son enfant, qui « fait de la nuée son vêtement et lui impose des limites » (1ère lect.), comment pourrait-il être menacé par une bourrasque, aussi impressionnante fût-elle à nos yeux ?
Les tempêtes sont multiples autour de nous et en nous : sans parler des conflits internationaux, pensons aux drames qui menacent la vie de notre entourage : vignes dévastées par la grêle ou la maladie, divorce, chômage, accident de travail, maladie, deuil. Pour les uns ces événements seront source de révolte ; pour d’autres, au contraire, occasion de réflexion, d’intériorisation, de conversion. Comment réagissons-nous lorsque des personnes de notre voisinage se débattent contre des vents contraires ? Prenons-nous prudemment nos distances ? Ou avons-nous le courage de leur proposer notre aide ? C’est en effet à travers cette disponibilité et cette proximité bienveillantes que nous leur permettons d’entrevoir le visage d’un Dieu proche, présent à leurs côtés malgré l’apparent abandon du ciel.
Remarquons bien qu’avant d’être dans la tempête, Jésus est dans la barque de Pierre. Si cette barque – qui représente l’Église – résiste aux assauts de la mer démontée, c’est précisément parce qu’elle porte en elle le Maître du temps et de l’histoire, celui sur qui la mort n’a plus aucun pouvoir, car il est déjà « passé sur l’autre rive ». Dès lors que « le Christ est mort pour tous » – donc aussi pour moi – les vivants peuvent se décentrer d’eux-mêmes et se confier à lui, qui « est mort et ressuscité pour eux » (2nd lect.). Car si par la foi et le baptême, nous sommes « en Jésus-Christ », nous croyons que « nous sommes devenus une créature nouvelle. Le monde ancien s’en est allé, un monde nouveau est déjà né ».
Mais qu’il est difficile de vivre en citoyen du Royaume, au cœur d’un monde qui se moque toujours plus ouvertement de notre espérance ! C’est pourquoi il est indispensable de demeurer dans la barque de Pierre ; et aussi dans la barque intérieure de notre cœur : là où Jésus « dort sur le coussin à l’arrière ». Pour éviter de le réveiller inutilement et de lui faire des reproches comme les apôtres, il est bon de méditer longuement ses paroles pour nous les approprier profondément – « Pourquoi avoir peur ? Comment se fait-il que vous n’ayez pas la foi ? »
Jésus en effet a déjà victorieusement traversé toutes nos tempêtes. Dans quelques mois, au moment le plus dramatique de leur complot meurtrier, alors que les disciples attendront désespérément que leur Maître produise un acte de puissance, que fera Jésus ? Il dormira ! Non plus sur un coussin, mais sur le bois de la croix, attendant avec confiance que son Père le réveille du sommeil de la mort, pour « conduire au port qu’ils désiraient » (Ps 106) tous ceux qui auront mis leur foi en lui.