Les histoires de démon, dans l’Évangile, nous semblent souvent bien énigmatiques : ne seraient elles pas le reflet de questions marquées par une époque et une culture particulières ? La réalité du mal existe bien cependant et notre temps ne nous incite pas à la nier. Mais la pointe de ce passage ne semble pas être un enseignement sur la personnification du mal. Ce que Jésus veut montrer, c’est que, s’il y a affrontement, il ne faut pas se tromper d’adversaire.
Pour « les scribes » en effet, les choses semblent bien tranchées : si Jésus accomplit des miracles sans être reconnu par eux, c’est que sa puissance a une origine démoniaque. Ce qui ne rentre pas dans leurs catégories ou dans leur hiérarchie ne peut être que mauvais. L’opposition divise les hommes entre eux. Par sa parabole de l’homme fort, Jésus déplace ces limites : « l’homme fort », c’est précisément le mal – ou le Malin – qui a fait du monde « sa maison » où il règne en maître ; pour qu’il en soit chassé, il faut que survienne « un plus fort» : Jésus lui-même, venu précisément pour vaincre le mal en le prenant sur lui. Le combat contre le mal, à sa suite, doit donc rassembler les hommes, et non pas les opposer entre eux.
Cela éclaire du même coup le sens de cet irrémissible péché contre l’Esprit, si difficile à comprendre. Pécher contre l’Esprit, c’est récuser, en toute connaissance de cause, les frontières du mal et du bien ; c’est refuser le salut donné aux hommes et celui qui l’apporte, Jésus, et donc se mettre délibérément en condition de non-sauvé. Le combat existe donc bien, mais il est contre le mal en nous et hors de nous.
La Bonne Nouvelle du jour est que nous pouvons faire partie de la famille de Dieu ! « Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est mon frère, ma sœur, ma mère » dit Jésus en ouvrant grand les bras et le cœur à l’humanité entière.
Tel est le but de l’Incarnation : rejoindre les enfants de Dieu dispersés, les cueillir au profond de leurs égarements pour les ramener au bercail du Père. Jésus a tout partagé de notre vie et de notre mort, pour nous partager le tout de sa vie divine, c’est-à-dire son existence pleinement filiale.
Il est venu pour enseigner de manière radicalement neuve combien la volonté de Dieu était pour l’homme un chemin de vie et de bonheur profond, et il nous assure que c’est en avançant ainsi, bien simplement, que nous devenons son frère, sa sœur. C’est tout de même inouï !
Est-ce que j’ose regarder le Christ comme mon frère, l’appeler ainsi et lui parler comme à un frère, mon frère ? Et pourtant Jésus va plus loin : nous pouvons devenir aussi sa mère. Homme ou femme, qui que nous soyons, le Christ nous révèle une fécondité merveilleuse : en faisant la volonté de Dieu, nous vivons en communion avec lui.
« Voici ma mère et mes frères. Celui qui fait la volonté de Dieu, celui-là est pour moi un frère, une sœur, une mère. »